Asha Sumputh est journaliste, modératrice et enseignante à l’ENA
Asha Sumputh est une conférencière et experte reconnue mondialement dans les secteurs de la finance, de l’économie et des nouvelles technologies.
Asha est intervenue au plus grand salon technologique du monde, le « CES » (Consumer Electronics Show) à Las Vegas, mais également à la « Milan Design Week », ainsi qu’à la convention annuelle de Talentsoft à Amsterdam.
En plus de ses activités de journalisme et d’intervenante spécialisée pour le compte d’entreprises publiques et privées, Asha enseigne à l’École Nationale d’Administration (ENA) et à l’École de Management de Sorbonne (EMS-Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne).
Vous êtes invitée à intervenir et à modérer des événements aux quatre coins du monde sur les grandes tendances mondiales : nouvelles technologies, expérience client, etc.
Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels les entreprises et les individus devront faire face dans un futur proche ?
Notre écosystème social et économique va être bouleversé par le développement de la robotisation et de l’intelligence artificielle. Je ne dis pas que la machine va nous remplacer mais la question cruciale est : « comment allons-nous travailler ensemble ? ». Soit comment revoir la place de l’homme dans l’entreprise à l’ère de la robotique et de l’IA.De plus, j’aimerais aborder les grands défis qui se posent actuellement dans notre monde globalisé et auxquels nous devons apporter des réponses concrètes et immédiates : les nouveaux rapports de force entre les grandes puissances et la lutte contre le terrorisme, la faim, l’environnement, le respect des droits de l’homme. Ce sont des sujets que je couvre actuellement avec mes émissions Business Africa et Initiative Africa.
Il s’agit de montrer les actions bien réelles sur le terrain et de mettre en lumière les acteurs qui œuvrent afin de proposer des alternatives construites, cohérentes et concrètes.
Par exemple, j’ai été récemment invitée à l’Union Africaine, à Addis Abeba en Éthiopie, pour couvrir leur initiative phare “Faire taire les Armes”. L’Union Africaine, ses États membres, mais aussi les organisations sous-régionales africaines, jouent aujourd’hui un rôle crucial dans la prévention et la réponse aux crises qui frappent le continent Africain. Avec nos émissions nous mettons en lumière les actions qui contribuent au « economic & social empowerment » des Africains.
Citoyenne du monde auto-proclamée, vous avez voyagé dans plus de 35 pays et vous avez travaillé sur chaque continent.
Avez-vous noté des tendances communes en matière d’usage des nouvelles technologies propres à certaines régions du monde ?
Lors de mes voyages en Chine, par exemple, j’ai réalisé qu’on ne connaissait pas très bien ce marché. Les Chinois rivalisent sans problèmes avec d’autres grandes nations et la Chine est un “hub” d’innovation et de technologies. Nous avons tendance à regarder de l’autre côté de l’Atlantique lorsqu’il s’agit des nouvelles technologies mais nous avons beaucoup à apprendre des Chinois.
Et l’Afrique est en train de devenir un acteur très important dans le digital et la Tech… à surveiller ! J’ai personnellement croisé de nombreux startuppers sur le continent et ils étaient largement représentés au salon Viva Tech à Paris cette année, où je couvrais un événement pour le Groupe Thales.
Pour répondre à la question des tendances, même si chaque continent a ses méthodes et ses particularités, les tendances sont à peu près similaires. Je dirais que la robotique, les solutions d’économie sans cash, les innovations dans les transports publics et la mobilité en général, les opportunités dans la connectivité, le secteur créatif et le commerce électronique sont des vrais sujets en Afrique mais aussi en Europe ou ailleurs !
Depuis Septembre 2015, vous présentez les programmes « Business Africa » et « Initiative Africa » qui sont retransmis dans plus de 50 pays et qui présentent les points clés de la situation économique et politique du continent Africain.
Comment envisagez-vous le futur du continent Africain sur la scène internationale, dans le contexte d’une course à l’avancée technologique toujours plus effrénée ?
L’Afrique est le deuxième plus grand marché mobile au monde après l’Asie, avec une affinité croissante pour les smartphones. Nous avons réalisé plusieurs reportages à ce sujet pour Business Africa. Selon les grands cabinets, le continent comptera 660 millions d’habitants équipés d’un « téléphone intelligent » en 2020, soit le double par rapport à 2016. Il n’est donc pas surprenant qu’une grande partie de la croissance économique de l’Afrique provienne de l’investissement dans la technologie, avec des startups qui apparaissent dans pratiquement toutes les grandes villes du continent.
D’ailleurs, avec plus de 300 centres d’innovation recensés dans 54 pays, l’Afrique s’affiche comme le prochain « hub » de l’innovation mondiale. C’est Emmanuel Macron qui en témoignait lors de l’annonce du lancement de « Digital Africa », une plateforme visant à accompagner la crème des start-up sur le continent, pilotée par l’Agence Française de Développement.
J’en suis témoin lors de mes reportages : l’Afrique a vu l’émergence rapide de centres technologiques, où les jeunes ayant l’esprit d’entreprise peuvent apporter leurs idées d’affaires. L’énergie, les aspirations et l’esprit créatif de cette jeunesse sont des atouts pour transformer le continent.
Après avoir poursuivi des études à l’île Maurice, au Royaume-Uni et en France, vous affichez une brillante carrière internationale.
Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui souhaiteraient se lancer dans le journalisme, l’univers de la Tech ou encore l’entrepreneuriat aujourd’hui ?
À l’île Maurice, nous avons de la chance d’avoir un système éducatif qui nous permet d’apprendre plusieurs langues surtout l’anglais ! L’enseignement est calqué sur le même système qu’à Cambridge au Royaume Uni et les écoles suivent pour la plupart ce modèle anglais. Me concernant, je parle l’Anglais, le Français, l’Hindi et le Créole Mauricien.
C’est une opportunité incroyable qui nous donne la possibilité de vivre ou d’étudier presque partout ! Cela m’a conduit en Europe car j’avais envie de découvrir d’autres cultures et surtout de tester ma capacité de survie loin de mon confort à l’île Maurice. C’était un vrai challenge, mais payant, car l’Europe est idéale pour un jeune étudiant, qui veut non seulement étudier mais aussi voyager et découvrir d’autres cultures et d’autres horizons.
Aujourd’hui, mon métier de journaliste me permet de voyager aux quatre coins du monde. C’est un métier incroyable, passionnant et utile.
L’an dernier, j’avais une élève Syrienne inscrite en Journalisme au CUEJ (Centre universitaire d’enseignement du journalisme, l’École de journalisme de l’Université de Strasbourg). Elle avait fui la guerre en Syrie avec ses parents. J’étais impressionnée par son courage car elle étudiait pour devenir journaliste et il y a très peu de femmes dans ce métier au Moyen Orient. Le simple fait d’être une femme journaliste peut être considéré, dans certaines sociétés, comme « contraire aux normes sociales ».
Les femmes journalistes ont un vrai rôle à jouer et peuvent faire la différence dans ce métier car elles ont une approche et des priorités différentes des hommes.
Nous avons réalisé plusieurs reportages en Afrique, où les femmes sont le moteur de l’économie, elles développent de nouveaux marchés dans les zones rurales en proposant des produits et services indispensables aux communautés éloignées. Elles deviennent actrices à part entière dans le développement économique de leurs communautés et du continent Africain.
Dans les startups, en Afrique ou ailleurs, les femmes ne manquent pas ! Mais il y a encore du chemin à parcourir sur des sujets tels que la parité dans les effectifs, ou encore l’égalité salariale dans l’univers de la Tech. La part des femmes chez les géants de la Tech reste un vrai sujet. Attirer plus de femmes vers les métiers du numérique reste donc l’un des sujets majeurs de ces prochaines années.
L’éducation est en pleine mutation avec l’émergence des nouvelles technologies. Nous pouvons citer la demande croissante pour les MOOCs par exemple.
Selon vous, comment les étudiants perçoivent-ils cette transformation ?
Les étudiants sont conscients que l’enseignement supérieur se met à l’heure du digital. En quelques années seulement, les Moocs ont largement contribué à la démocratisation du savoir. On assiste à une complète transformation des cours et de ceux qui les enseignent. Pour les étudiants, cette transformation répond à leurs nouveaux besoins.
À la Sorbonne (Magistère Finance Sorbonne, étudiants en Master Finance), mes étudiants pensent que l’université doit impérativement se transformer pour mieux répondre à leurs attentes et ils sont plutôt en faveur d’un enseignement diversifié. Si je pense que les Moocs ne peuvent se substituer totalement à l’université traditionnelle, nous allons certes vers une diversification de l’enseignement supérieur.
Aujourd’hui les cours se font par des professionnels du privé. Les matières intègrent de plus en plus la dimension technologique même si nous ne sommes pas au même niveau que les USA. Par ailleurs, certaines classes sont proposées, non par des universités, mais par des entreprises spécialisées.
Les « Millennials » sont difficiles à appréhender par les recruteurs, toujours plus insaisissables. Que vous inspirent-ils ? Quels conseils donneriez-vous aux recruteurs afin d’attirer les talents de demain ?
Les Millennials sont habitués à vivre dans l’instantanéité et la connectivité. Mes élèves à l’ENA, par exemple, sont très différents de leurs aînés. Élevés dans le monde de l’Internet, ils ont développé une vraie aptitude à la collaboration qu’ils veulent retrouver dans les modes de travail en général.
Ce sont des administrateurs certes, mais avec une vision moins classique à l’image de notre actuel Président de la République, un ancien élève. Même chose pour les entreprises : le modèle traditionnel qu’ont connu nos parents ne correspond plus à cette génération.
Leur univers est caractérisé par une culture digitale de l’immédiateté, de la récompense quasi-instantanée et par l’interconnexion de différents écosystèmes. Ils veulent contribuer essentiellement à des projets stimulants et qui ont du sens. Ils ont un grand besoin de reconnaissance et de feedbacks fréquent. Ce qui expliquerait en partie leur tempérament plutôt entreprenant.
Pour conclure, quelle est votre « citation » favorite ?
Elle est de mon grand-père, 1er Premier Ministre de l’île Maurice et connu comme le “Père de la Nation” pour son combat pour l’indépendance de l’île :
“The freedom of the individual is the most precious heritage I bequeath to my country”
Sir Seewoosagur Ramgoolam.
J’aime beaucoup celle du Mahatma également :
« Be the change that you want to see in the world. »
Mahatma Gandhi
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