Entretien exclusif avec Bertrand Piccard – Fondateur et Président de la Fondation Solar Impulse

Bertrand Piccard nous parle de son goût pour l’aventure, du projet Solar Impulse, et de ses actions pour l’écologie.

keynote speaker Nick Earle-1Pilote, aventurier, défenseur de l’environnement, psychiatre et scientifique, Bertrand Piccard a réalisé le premier tour du monde aérien sans carburant en 2016 via son projet Solar Impulse. Du 1er au 21 mars 1999, Bertrand Piccard avait d’ores et déjà réussi le premier tour du monde en ballon.
Avec la Fondation Solar Impulse, il a récemment lancé le challenge de sélectionner 1000 solutions qui protègent l’environnement de manière rentable, qui seront ensuite présentées aux décideurs du monde entier afin les encourager à adopter des objectifs environnementaux plus ambitieux.

Vous êtes sacré champion d’Europe de voltige en deltaplane en 1985. Avez-vous toujours été amateur de sensations fortes ? D’où vous vient ce goût pour l’aventure ?

Mon grand-père détenait une carte du Club des Explorateurs, ainsi que mon père, donc pourquoi pas moi aussi ? J’ai décidé de devenir explorateur en Juillet 1969. Je peux me remémorer ce moment avec exactitude. J’avais 12 ans. Mon père venait de partir à bord du Mesoscaph Ben Franklin, qui avait été construit afin d’étudier le Gulf Stream. Il était en route pour dériver pendant un mois le long de la côte est des États-Unis, un périple de 3000 km. Quelques jours plus tard, fasciné, j’étais présent lors du décollage d’Apollo 13 en direction de la Lune. L’évènement le plus spectaculaire dans l’histoire de l’Humanité !

Comment vous est venue l’envie de monter le projet Solar Impulse ? Quels étaient vos objectifs avec cette mission ?

Mon idée d’accomplir un vol perpétuel avec zéro carburant était le résultat d’un tour du monde en ballon que j’avais réalisé en 1999 avec Brian Jones.
À cette période, nous étions partis avec 3,7 tonnes de propane et avions terminé avec seulement 40 kg restants à l’arrivée.
Lorsque j’ai réalisé que notre tentative aurait pu échouer par manque de carburant, je me suis promis de réaliser à nouveau un tour du monde, mais sans utiliser aucune énergie fossile la fois suivante.
Faisait suite à une étude de faisabilité réalisée par le EFPL (l’Institut Fédéral Suisse de Technologie à Lausanne) et menée par André Borschberg, le projet Solar Impulse était officiellement lancé en 2003. L’objectif de ce projet était de développer un symbole qui allait promouvoir un esprit d’invention et d’innovation de manière attractive, tout particulièrement dans le domaine de l’énergie renouvelable et des cleantech (technologies propres).

De nombreux challenges se sont présentés lors de ce tour du monde à bord d’un avion propulsé exclusivement grâce à l’énergie solaire. Comment vous y êtes-vous préparé, physiquement comme mentalement ?

Solar Impulse a pour approche le vol perpétuel et par conséquent, théoriquement, il pourrait voler pour toujours. Un des principaux défis est le facteur humain, tel que l’endurance du pilote par exemple. Le sommeil n’est pas autorisé lorsque l’avion survole des zones habitées, mais lorsque l’on survole des océans et des zones non peuplées, le sommeil est planifié et intégré sous forme de courtes siestes d’une durée maximum de 20 minutes, avec une fréquence d’une à 12 fois par jour. Les pilotes ont également développé des techniques pour relaxer le corps tout en restant éveillé. Bertrand Piccard utilise des techniques d’autohypnose et André Borschberg, des techniques de yoga.

Bertrand : « J’ai été entrainé à l’hypnose et à l’autohypnose en 1992 dans l’anticipation de la première course en ballon transatlantique qui consistait en 5 jours et 5 nuits au-dessus de l’Atlantique dans une minuscule capsule. J’utilise toutes ces techniques lorsque je vole à bord du Solar Impulse. Les premiers entraînements ont pris place à bord d’un simulateur avec des tests de vigilance montrant une stabilité totale de mes performances et de ma concentration. L’hypnose est basée sur des techniques de dissociation : une part de vous-même devient autonome et vous permet d’observer la seconde part de vous vivant une expérience. Dans le cas des phases de repos, la méthode consiste à dissocier l’esprit du corps. Le corps peut alors se régénérer dans une relaxation très profonde tout en maintenant le cerveau suffisamment en alerte pour vérifier les instruments et suivre le déroulé des événements durant le vol ».

Avec la Fondation Solar Impulse, vous avez récemment lancé le challenge des #1000solutions avec la création du label « Solar Impulse Efficient Solution ». Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet : comment est-il né ? Quels sont ses objectifs ?

Des milliers de solutions existent pouvant accroître la croissance économique tout en préservant la nature, mais elles sont souvent cachées dans les startups ou dans les laboratoires de recherche. Elles demeurent inconnues des dirigeants et ne sont pas implémentées au niveau industriel. Donc peu d’individus réalisent que tout le monde peut les utiliser et à quel point elles sont devenues rentables. Par conséquent, je me suis fixé un nouveau défi : sélectionner 1000 solutions propres, efficaces et rentables, puis les présenter aux dirigeants au sin des entreprises et des gouvernements autour du globe afin d’accélérer la transition vers une économie à zéro émission de carbone et durable.
J’ai commencé par lancer l’Alliance Mondiale pour les Solutions Efficaces qui rassemble les principaux acteurs dans le domaine des énergies propres dans le but de partager des connaissances, de créer des synergies et de bâtir des relations avec l’objectif final d’accélérer l’implémentation de solutions propres et profitables. Les Membres de l’Alliance Mondiale sont divisés en trois catégories principales : les innovateurs, développant de nouvelles solutions ; les investisseurs, à la recherche d’opportunités ; et les individus à la recherche de produits, de technologies ou de services qui peuvent les aider à effectuer une transition vers le développement durable. Nous avons déjà plus de 1000 membres et j’encourage chaque personne engagée à combattre le réchauffement climatique via les technologies propres à nous rejoindre.

Ce récent projet est porteur d’un message fort : les solutions écologiques peuvent également être économiques. Pensez-vous que mettre en avant la rentabilité de ces solutions permette de convaincre les gouvernements comme les entreprises ?

À chaque fois que j’aborde le sujet de la protection de l’environnement à des chefs d’État ou à des représentants du gouvernement, ils me répondent que c’est trop onéreux. Ce label représente un message fort à leur attention : des solutions existent et elles représentent la plus grande opportunité de marché de notre siècle. Une opportunité qui ne peut pas être manquée.

Découvrez la conférence TED de Bertrand Piccard :

 

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