Laurent Combalbert est négociateur de crise, ancien membre du RAID et fondateur de l’Agence des Négociateurs.
Juriste de formation, Laurent Combalbert débute sa carrière en tant qu’officier de police, avant de rejoindre le RAID, l’unité d’élite de la Police Nationale, en tant qu’Officier-Négociateur en 1998. Formé au sein de la prestigieuse National Academy du FBI, il contribue à la constitution de la cellule Négo au sein du RAID et gère des dizaines de prises d’otages, d’extorsions, ou encore de kidnappings. Parallèlement, il forme des négociateurs dans le monde entier.
Après plusieurs expériences dans le monde des affaires au début des années 2000, il s’associe à Marwan Mery et fonde l’Agence des Négociateurs. Cette agence unique au monde est spécialisée en négociations complexes, qu’elles soient commerciales, sociales, diplomatiques ou encore politiques, les négociateurs professionnels assistent et accompagnent entreprises et institutions dans la préparation, la conduite et la clôture de leurs négociations complexes. Aujourd’hui, Laurent Combalbert enseigne la négociation et la performance collective dans de grandes écoles telles qu’HEC, et intervient très régulièrement auprès de médias français et internationaux.
Dans cet entretien exclusif, Laurent Combalbert nous parle de ses débuts, des moments les plus marquants de sa carrière, de la série télé Ransom et de négociations auprès de ses propres enfants.
Après des études de droit, vous débutez votre carrière dans la Police. D’où vous est venue cette envie de rejoindre les forces de l’ordre ? Comment vous êtes-vous ensuite spécialisé dans la négociation ?
J’ai toujours souhaité intégrer la police, et plus précisément un groupe d’intervention. Quand j’étais enfant, je jouais au gendarme et au voleur, et je n’étais jamais le voleur : cette vocation ne m’a jamais quitté. J’ai fait des études de droit pour passer le concours d’Officier, que j’ai réussi, et quand je suis sorti de l’école, j’ai pris le commandement des SPI, les Sections Protection Intervention de l’unité qui était basée à côté du RAID. J’ai rencontré Commandant Michel Marie, le premier négociateur du RAID, qui m’a proposé de le rejoindre pour créer la première équipe de négociation de crise en France. J’ai tout de suite accepté, le challenge était extraordinaire et Michel Marie a été un mentor formidable.
Vous avez passé 6 ans au RAID en tant que négociateur. Quelle a été la situation la plus stressante que vous avez dû gérer, celle qui vous a le plus marqué ?
Toutes les situations traitées lorsque j’étais au RAID étaient stressantes. Une de celles qui m’a le plus marqué est probablement la prise d’otage d’un garçon de 18 mois par son père Schizophrène. Il m’a fallu prendre de gros risques pour réussir à l’approcher et lui faire libérer l’enfant qu’il tenait pendu par les pieds au-dessus du vide au 5eme étage de son immeuble. Il n’y avait que peu d’alternatives : l’intervention de la colonne d’assaut était extrêmement risquée, personne n’avait de vue à l’intérieur de l’appartement, et l’état d’instabilité psychologique de l’auteur rendait toute négociation hasardeuse.
Je suis donc allé prendre contact directement devant sa porte, en me faisant passer pour le médecin car il ne voulait pas parler à la police. Je suis rentré dans son appartement, ce qu’on ne fait jamais, mais il n’y avait pas d’autres solutions pour qu’il cesse de tenir son enfant par la fenêtre. L’individu n’étant pas rationnel, il s’est montré dangereux à un moment et j’ai dû le maîtriser physiquement avant de déclencher l’action de la colonne d’assaut pour venir le menotter et permettre au SAMU de prendre en charge le jeune garçon.
Vous avez dénoué des dizaines de situations critiques. Avez-vous encore le trac aujourd’hui au moment de gérer des situations conflictuelles, que ce soit dans votre vie personnelle ou professionnelle ? Comment appréhendez-vous ces situations quotidiennes ?
La peur est une émotion fondamentale : elle alerte du danger et pousse à l’attention et à la prudence. Ce n’est donc pas une contrainte : si je n’avais pas eu peur dans les situations que j’ai gérées lorsque j’étais au RAID, j’aurais été dangereux. Aujourd’hui, j’ai toujours cette même émotion quand je gère des négociations complexes. Mais je connais très bien ma peur, sa façon de s’exprimer, sa manière de me signaler les enjeux d’une situation. Alors, je l’ai apprivoisé et je l’utilise pour être encore plus efficace et performant.
La série télévisée Ransom s’inspire de votre parcours et de celui de votre associé Marwan Mery. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet : êtes-vous impliqué dans l’écriture et la réalisation de la série ? Comment réagit-on en voyant des situations de sa vie adaptée à l’écran ?
Marwan et moi avons eu la chance d’être cité dans la presse internationale comme parmi les meilleurs négociateurs du monde. Plusieurs producteurs se sont intéressés à nous, et ont décidé de faire de notre histoire une série, qui en est aujourd’hui à la saison 3. Nous avons formé les acteurs de la série à notre référentiel de négociation PACIFICAT©, et nous intervenons auprès des scénaristes pour valider la crédibilité des techniques de négociation utilisées. La série ne reprend pas exactement les situations de nos vies, car nous ne l’avons pas souhaité, mais s’inspire du métier de négociateur professionnel que nous avons créé avec Marwan Mery.
Vous avez affirmé que les plus redoutables négociateurs que vous ayez rencontrés sont vos quatre enfants, qui vous ont inspiré l’ouvrage « Devenez meilleur négociateur que vos enfants ! ». En quoi gérer ses enfants est plus difficile qu’une négociation avec un forcené ?
Avec nos enfants, nous avons un affect très fort, et nous sommes naturellement sympathiques, c’est-à-dire que nous partageons leurs émotions. Dès lors, il est très difficile de rester objectif et de garder la tête froide. Pour être efficace, nous devons être empathiques sans être sympathiques. C’est très difficile avec nos propres enfants.
En 2004, vous quittez le RAID pour devenir consultant. Comment avez-vous géré cette transition professionnelle ?
J’ai compris que le système de l’administration française ne me conviendrait pas : trop de lenteur dans les prises de décision, trop de conflits d’intérêts personnels au détriment de la mission. J’ai alors décidé de changer de vie. J’avais pourtant une carrière toute tracée : j’étais le plus jeune Lieutenant jamais recruté au RAID, j’avais la qualification de Crisis Negotiator acquise auprès du FBI, j’avais créé avec Michel Marie toutes les bases d’un nouveau métier. Mais j’avais besoin de liberté et de pouvoir prendre moi-même les décisions importantes. La transition s’est donc faite tout naturellement vers le monde de l’entreprise.
Aujourd’hui, vous consacrez la majeure partie de votre temps à accompagner, former et conseiller des managers. En quoi des talents de négociateurs sont indispensables dans tous les secteurs et toutes les professions ?
La négociation a longtemps été considérée comme un « soft-skill », une compétence complémentaire à adjoindre à une compétence majeure : le commerce, les ressources humaines, le management … Or, c’est l’inverse : la négociation est une compétence de base, fondamentale, absolument nécessaire au quotidien. On peut ensuite venir lui adjoindre des compétences techniques comme le commerce ou le social. Les entreprises prennent de plus en plus conscience de cet état de fait, et organisent désormais des formations à la négociation complexe dans leurs cursus de base.
Lors de vos conférences et activités de consulting, quel parallèle tirez-vous entre le milieu du RAID et des entreprises ?
Que ce soit au sein du RAID ou dans une entreprise, nous devons gérer des situations complexes : poids de l’incertitude, agrégation de talents et d’égos forts, nécessité de prendre des décisions et d’en apprécier les risques, autant de points communs qui s’expriment aujourd’hui dans mon métier de négociateur professionnel comme ils s’exprimaient lorsque j’étais Officier-négociateur au sein du RAID. Deux mondes différents mais un point commun : aussi bien au sein du RAID que dans le monde de l’entreprise, nous devons considérer que la performance n’est jamais négociable.
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